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Le journal pour les jeunes, par les  jeunes

Ultra-orthodoxes : quand l’apologie du kasher menace les libertés

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Bénédicte Le Gall

Diplômée d'une licence en sciences politiques et relations internationales, j'aspire à devenir JRI reporter de guerre spécialisée dans la région du Moyen-Orient. J'écris ponctuellement pour les rubriques politique et culture de CS Actu, l'occasion de partager avec mes lecteurs des articles reflétant mon attrait pour les questions internationales et le milieu artistique.
A Bnei Brak, les habitants ne jurent que par les certifications kasher. Leur influence grandissante restreint peu à peu les libertés.

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A gauche, le certificat kasher d'un établissement de vente à emporter. Pour les autres produits, il se présente sous forme de petit autocollant rouge.

A Bnei Brak, c’est le rabbin qui dicte la ligne de conduite des habitants. Si cette petite communauté fermée de plus de 30 000 juifs ultraorthodoxes est située à une dizaine de kilomètres à peine de la libérale Tel Aviv, le mode de vie y est bien différent.

Ici, les certifications kasher font la loi. Fours, micro-ondes ou encore poêles kasher : on trouve le précieux autocollant rouge apposé sur des produits à chaque coin de rue. Loin de se limiter aux ustensiles de cuisine ou à l’électroménager, les certifications s’étendent à tout un éventail de produits, des plus classiques aux plus insolites.  

Livres et téléphones interdits

A commencer par les livres : impossible de trouver une librairie traditionnelle en flânant dans les rues de Bnei Brak. La seule recensée ne propose que des livres religieux, soit des Torahs ou, pour les plus jeunes, des livres illustrés sur le judaïsme. Idem pour les jeux de société : les puzzles mettent en scène un cours de Torah. L’incontournable « Qui-est-ce ? » est lui aussi revisité : les filles portent des « sheitels », la perruque destinée à couvrir les cheveux de la femme dans la religion juive, tandis que les garçons arborent des chapeaux noirs ou des kippas. Si le Monopoly est, lui, resté authentique, les joueurs ne sont pas autorisés à utiliser les billets le jour de shabbat.

Les téléphones n’échappent pas à la règle du kasher : seuls ceux à clapets ou avec un accès limité à internet sont autorisés à la vente. Un seul magasin dans la ville a tenté de contourner la règle d’or en proposant des téléphones non approuvés par le rabbin. Suite à cette transgression, le commerce s’est fait vandaliser à plusieurs reprises par d’autres membres de la communauté. David, son propriétaire, témoigne : « Pour y remédier, j’ai dû investir dans une porte blindée, comme celle qui protège les coffres forts dans les banques ». Mais, sous la pression, il a fini par renoncer : « Je pensais faire une bonne action pour la communauté. Ces téléphones avec un accès total à internet aurait pu leur permettre de s’ouvrir au reste du monde, malheureusement, je pense qu’ils ne sont pas encore prêts pour ça. ». Désormais, sur la porte en acier du magasin de David est apposé le sésame tant recherché : le certificat kasher.

Manifestation massive devant le magasin de téléphonie de Bnei Brak, pour s’opposer à la vente de téléphones non-kasher. |©Yeshiva World News

Echec scolaire grandissant chez les ultraorthodoxes

Sans livres ou internet, l’accès à une éducation moderne s’avère presque impossible, notamment pour les femmes, qui sont les plus grandes victimes de ces règlementations religieuses. En plus de se voir refuser l’accès aux « yeshivas », prestigieux lycées juifs réservés aux hommes, elles sont exclues de toute forme de communication pour des raisons de « modestie ».

Quelques semaines plus tôt, une marque de bijoux s’est vue contrainte de retirer son affiche publicitaire de Ramat Gan, la ville voisine, car elle mettait une femme en avant. Esther, ultra-orthodoxe et activiste féministe, dénonce : « La publicité n’était même pas dans Bnei Brak, mais le bus emprunté par les ultraorthodoxes pour aller à Tel Aviv passe par Ramat Gan, donc ils ont réussi à la faire enlever ». Pour les mêmes raisons de « modestie », les restaurants, vus comme des lieux de rencontre potentiels entre hommes et femmes, sont interdits. 

La célèbre Yeshiva de Bnei Brak, réservée aux garçons et financée à 75% par l’État d’Israël.|©Belaaz News

Cette mainmise grandissante de la religion sur les libertés des habitants de Bnei Brak inquiète les Israéliens séculaires : « En Israël, les familles ultra-orthodoxes ont souvent sept ou huit enfants, contre deux en moyenne pour les séculaires : la population ultraorthodoxe connaît une croissance exponentielle et sera majoritaire d’ici quelques années », explique Naomi. Elle ajoute : « L’éducation transmise dans les établissements ultraorthodoxes est principalement religieuse. Les enfants n’acquièrent pas les connaissances de base en histoire ou en mathématiques par exemple, ce qui complique leur insertion sur le marché du travail ». Pourtant, malgré la hausse croissante du taux d’échec scolaire chez les ultraorthodoxes, l’État Israélien continue de financer leurs écoles, comme la célèbre « yeshiva » de Bnei Brak qui dépend à 75% des subventions étatiques.

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