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Le journal pour les jeunes, par les  jeunes

Anne-Pascale Demangeot : “Le regard de la société sur le handicap a évolué, mais il reste encore du travail”

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Le handicap, dans le sport, est un sujet souvent laissé à l’abandon. Thème au cœur des débats, les initiatives pour faire avancer cette cause se multiplient de nos jours. Parmi celles-ci, le développement du handisport, un domaine qui prend de plus en plus d’ampleur ces dernières années. Mais ce n’est pas la seule. Le sport adapté en fait aussi parti. Ce terme ne vous dit rien ? Pourtant, il devrait. Pas d’inquiétude, cette semaine, CSActu vous offre la possibilité de vous rattraper. Pour vous, nous sommes partis à la rencontre d’Anne-Pascale Demangeot, conseillère technique départementale au sein de la Fédération Française de Sport Adapté (FFSA), et c’est elle qui va tout vous expliquer. C’est parti pour la session de rattrapage...

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Anne-Pascale Demangeot, ici à droite, lors d'une intervention sur la radio France Bleu
« Bonjour Anne-Pascale, pour commencer, est-ce que vous pouvez vous présenter vous, ainsi que votre parcours professionnel ? »

« Bonjour. Je m’appelle Anne-Pascale Demangeot. Je suis actuellement conseillère technique départementale au sein de la Fédération Française de Sport Adapté (FFSA). Pour en arriver là, j’ai fait STAPS à Montpellier. Dès la fin de la deuxième année, je me suis orienté vers le handicap. J’avais eu l’occasion de découvrir ce domaine-là lors de mes stages, cela m’a plu alors j’ai sauté le pas. Puis après l’obtention de ce diplôme, j’ai poursuivi mes études pendant 4 ans dans les activités physiques adaptées. Cela m’a permis de découvrir les différents handicaps existants et de travailler avec plusieurs publics tels que les prisonniers, puisque la formation restait assez générale et n’était pas centrée sur le handicap.

Ensuite, j’ai eu deux ans d’expérience dans l’humanitaire. Je suis partie avec Handicap International sur une mission sport en Bosnie, à Sarajevo. L’objectif était de mettre en place des activités adaptées dans des centres pour adultes ou dans des écoles pour enfants. De retour en France, j’ai intégré une association départementale de familles de personnes handicapées mentales qui se nomme l’UDAPEI. Le but était de développer les clubs, les associations et les activités sportives pour les publics concernés par le handicap mental. J’ai ainsi travaillé pendant 13 ans au sein de cette structure. Ma mission était de créer des associations en Haute-Savoie, là où il n’y en avait pas. J’ai quitté l’association en 2013 et deux ans plus tard, j’ai été embauchée pour le poste que j’occupe actuellement. »

« Pouvez-vous, nous expliquer ce qu’est réellement le sport adapté ? »

« L’appellation, sport adapté, en tant que tel, ne signifie pas grand-chose. C’est simplement le nom d’une fédération, à savoir la Fédération Française de Sport Adapté (FFSA). Ce n’est pas, comme la plupart des gens le pensent, l’ensemble des activités réservées au public qui ont des maladies ou un handicap.

Il faut aussi bien différencier « sport adapté » et « activité physique adaptée » (APA). APA est simplement l’intitulé d’une formation pour les éducateurs sportifs. Celle-ci a pour but de leur apprendre à adapter la pratique sportive à tout type de public, et ce, quel que soit leur maladie ou leur handicap. Ce n’est donc pas du tout la même chose que le sport adapté, en lui-même. »

« Pouvez-vous désormais, nous expliquer quelles sont les différences entre le sport adapté et le handisport ? »

« Il est vrai que ces deux termes peuvent porter à confusion puisqu’ils concernent les mêmes publics. Cependant, que ce soit le sport adapté ou le handisport, ils possèdent chacun leur fédération. Celles-ci sont multisports. De plus, la Fédération Française Handisport (FFH) compte dans ses rangs les sportifs ayant un problème physique ou sensoriel, comme les personnes paralysées ou encore les malentendants. La FFSA quant à elle, gère les personnes atteintes d’un handicap mental ou psychique. La grande majorité de nos membres sont à 100 % de leur capacité physique, mais ont des problèmes de mémorisation, d’anticipation ou encore de concentration, par exemple. »

« Vous faites donc parti de la Fédération Française de Sport Adapté (FFSA), comment fonctionne-t-elle ? »

« Alors la FFSA fonctionne comme une fédération « classique » comme celle du football, par exemple. Elle est multisports et recense 86 disciplines pouvant aller du roller à la natation, en passant par l’athlétisme. Elle a 50 ans cette année et avant la crise sanitaire, elle comptait 65 000 licenciés. Elle est mixte, ouverte à toutes les catégories d’âges et elle comprend tous les niveaux de handicap mental et psychique. C’est donc une institution assez importante. Puis, il faut savoir que la France est un des seuls, voire le seul pays à proposer une telle institution.

Son principal objectif est de permettre, au plus grand nombre, de pratiquer l’activité physique de son choix, le plus près de chez soi. Le plaisir et le développement personnel des sportifs sont des données qui entrent aussi en compte au sein de notre institution. La FFSA veut aussi former un maximum de professionnel afin de garantir un encadrement de qualité à ses sportifs, qui ont des particularités au niveau mental et psychique. Nous avons également développé ce que l’on appelle des « activités motrices », pour les publics en grande difficulté. Le but est de leur proposer des exercices, des activités et des situations. Malgré leur capacité de compréhension et de concentration limitée.

Si je devais résumer un peu tout ça, on ne voudrait laisser personne de côté. Nous proposons des animations adaptées aux ambitions et aux projets sportifs de chacun. Que ce soit pour du loisir ou de la compétition à haut, voire très haut niveau. Tout le monde y trouvera son compte. »

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Logo de la Fédération Française de Sport Adapté
« Quelles sont les actions mises en place au quotidien par votre institution ? »

« Nos actions sont mises en place par le biais des clubs, comités ou encore des ligues, auxquels nous sommes rattachés. Par exemple, nos clubs partenaires organisent régulièrement des entraînements.

On développe également le secteur compétitif, en mettant en place des championnats et des stages de formation. Des journées, inter-établissements ont aussi lieu. La plupart de nos sportifs sont pris en charge par des établissements spécialisés, du fait de leurs difficultés à intégrer tout ce qui provient du « monde ordinaire ». On essaye d’intervenir au maximum dans ces centres pour permettre aux jeunes de rencontrer de nouvelles personnes ou de découvrir des activités sportives qu’ils ne connaissaient pas forcément ou n’ont jamais eu l’occasion de pratiquer.

Aujourd’hui, ce qui est de plus en plus intéressant, c’est que l’on commence à être en lien avec les fédérations « traditionnelles », qui, elles, ne sont pas du tout concernées par le handicap, en vue d’éventuels partenariats avec ces dernières. Par exemple, nous avons développé un cycle-foot, avec la Fédération Française de Football via les clubs qui lui sont rattachées. Ainsi, chaque semaine, le club de l’US Argonay (Haute-Savoie), organise des entraînements pour faire découvrir le football à nos jeunes sportifs.

Pour finir, au niveau de la Haute-Savoie, nous sommes également en rapport avec le tennis de table, le handball, le BMX, la pétanque, la randonnée, le tennis et le ski. On essaye de s’ouvrir un maximum et de proposer une offre la plus large possible. C’est pour cela que l’on essaye d’être en lien avec un maximum de disciplines sportives sur le département. Nous sommes aussi à l’écoute de nos sportifs. Par exemple, si l’un d’entre eux vient nous voir et nous demande de découvrir le tic à l’arc, nous mettrons en place une animation dans cette discipline. »

« Comment faites-vous pour suivre vos athlètes au quotidien ? »

« Pour ce qui est de la Haute-Savoie, nous avons deux athlètes de haut-niveau que l’on connaît très bien. L’un pratique le tennis de table et le second, le ski de fond. Pour les suivre, c’est assez simple puisqu’ils sont très actifs sur leurs réseaux sociaux. Même sans chercher l’information, on la reçoit donc par ce biais. »

« Comment la FFSA a-t-elle géré la crise sanitaire ? »

« Ça a été une période très compliquée, comme pour tout le monde, je pense. On a suivi les directives du gouvernement et on a dû s’adapter aux règles sanitaires. Par exemple, pour le premier confinement l’année dernière, on a mis en place des séances de gymnastique en visio-conférence pour garder le contact avec nos membres. Voilà, on a essayé de composer avec cette contrainte. Avec l’impossibilité de se regrouper, on a dû modifier tout notre calendrier, annuler nos compétitions et nos journées inter-établissements. Ces centres font souvent l’objet d’un soutien médical et sont donc très protégés. Les jeunes placés dans ces établissements spécialisés ne pouvaient donc pas participer aux animations que l’on voulaient proposer.

Nos clubs partenaires ont pris un sacré coup au moral également. Ils ont dû stopper toute leur activité et seulement deux d’entre eux ont repris depuis que cela est autorisé. Pour les autres, je pense que les bénévoles sont un peu « frileux » et n’ont pas envie de transmettre ou d’attraper le virus. Il y a aussi certaines municipalités qui ont refusé d’ouvrir leurs infrastructures, comme les gymnases ou encore les boulodromes. C’est dommage, surtout que nous, le sport adapté, nous étions prioritaires dans la poursuite de la pratique sportive. Nous faisons partie des publics à exception et on pouvait ainsi demander une dérogation pour avoir accès à ces complexes sportifs, tout en respectant les règles sanitaires, bien entendu. »

« Quelles sont les perspectives d’avenir de votre fédération ? »

« Le long terme est difficile à envisager. Au niveau national, on va se battre pour continuer d’exister. Le ministère des Sports est très sollicité par les fédérations « classiques », qui veulent récupérer les pratiques handisport et adaptées qui concernent leur discipline. Par exemple, la Fédération Française de Tennis (FFT) veut être en charge du tennis handisport et adapté. Ça, c’est le premier objectif.

Ensuite, on essaye de faire en sorte qu’il y ait plus de disciplines paralympiques qui ouvrent leurs compétitions aux sportifs atteint d’un handicap mental ou psychique, comme le ski de fond qui devrait voir l’ouverture d’une catégorie « handicap mental » pour les prochains Jeux Paralympiques d’hiver.

Puis, à l’échelle du département, nous allons développer encore plus le secteur compétitif. Avec la crise de la Covid-19, on a dû annuler le championnat de ski, de pétanque et de football. On va tout faire pour les remettre en place l’année prochaine. On aimerait aussi beaucoup accueillir les championnats de France, comme ça a déjà été le cas avec le tennis de table et le ski de fond. Donc, on va certainement soumettre notre candidature pour obtenir cette compétition en Haute-Savoie d’ici 2022 ou 2023, mais on ne sait pas encore dans quelle discipline. »

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(Journée sous le signe du football pour la délégation bretonne de sport adapté)
« Vous avez parlé des compétitions de sport adapté, pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ? Quelles sont-elles, et à quelle échelle ? »

« Alors, au total, il y a 20 disciplines qui proposent des compétitions en sport adapté. Les règlements de celles-ci, sont la plupart du temps modifiés pour que tout le monde puisse pratiquer quel que soit son degré de handicap. Justement, il faut savoir qu’en sport adapté, les athlètes sont évalués non pas en fonction de leurs critères sportifs, mais en fonction de leur degré de handicap. Cette analyse permet ensuite la constitution de championnats homogènes et équitables. Celle-ci se fait sous la forme d’un questionnaire et permet de déterminer si le sportif appartient à la catégorie AB, BC ou CD. Cette annotation sera reportée sur la licence de l’athlète et servira à le « classer » dans la bonne division.

Au niveau du système compétitif en France, il existe des championnats départementaux, régionaux, inter-régionaux et nationaux. Pour les meilleurs athlètes, des stages de préparation sont même mis en place par la FFSA.

Enfin, les personnes ayant un handicap mental ou psychique, peuvent également participer aux Jeux Paralympiques. Trois disciplines proposent des épreuves pour le sport adapté. Il s’agit de la natation, de l’athlétisme et du tennis de table. En parallèle de ces Jeux, des championnats européens sont organisés. Au niveau mondial, dix disciplines sont représentées dans ce que l’on appelle les « Global Games », dont la dernière édition s’est tenue en Australie. »

« Le sport adapté est-il médiatisé, puisque l’on n’entend jamais parler de lui ? »

« Le sport adapté n’est pas du tout médiatisé. Alors, peut-être que nous ne sommes pas bons en communication, mais il est très compliqué dans notre cas de véhiculer une image sur un handicap, qui ne se voit pas. Par exemple, Timothée, notre jeune pongiste, et bien si on ne l’entend pas parler, on ne peut pas deviner qu’il possède un handicap. Au contraire, une personne qui a perdu un bras ou autre, cela va se voir tout de suite et il sera plus facile de communiquer là-dessus. Quand il s’agit de sport adapté, on a du mal à percevoir la performance, l’exploit du sportif, qui a pourtant pris sur lui et fait l’effort de rester concentré.

Puis, il y a le regard des gens qui jouent aussi en notre défaveur. Neuf personnes sur dix ne connaissent pas notre fédération, si ce ne sont dix sur dix. Pour eux, une personne atteinte d’un handicap mental ou psychique ne peut pas pratiquer du sport, c’est impossible, elle n’en est pas capable. C’est pour cela qu’il est très difficile de donner de la visibilité au sport adapté, mais on essaye tant bien que mal de mettre notre « grain de sel » dès qu’on le peut dans les médias pour montrer que l’on existe. »

« Pour vous, quelle influence à le sport sur le handicap ? Quelles valeurs le sport adapté fait ressortir ? »

« Le sport adapté fait ressortir toutes les valeurs que le sport au sens large véhicule, à savoir le développement personnel, la confiance en soi, le plaisir, le respect des règles, du matériel, de l’autre et de soi.

La pratique sportive permet aussi de faire des rencontres. Elle a une dimension sociale. C’est quelque chose de très important et surtout pour nous, puisqu’en général, la société n’inclut pas les personnes handicapées, car elles “n’entrent pas dans la norme”. L’activité physique a aussi un impact sur la santé de ceux qui la pratique. Donc, pour moi, le sport est vraiment primordial, surtout auprès d’un tel public. »

« Selon vous, quelle est la perception du handicap en France aujourd’hui. Est-ce qu’il est bien perçu, les jeunes sont-ils bien accueillis dans les structures sportives ? Qu’est-ce qu’il est important de faire pour sensibiliser les gens sur cela ? »

« Le regard de la société sur le handicap a évolué, mais il reste encore beaucoup de travail. Certaines personnes pensent encore que la trisomie est contagieuse. Il y a encore beaucoup trop d’a priori négatif sur le handicap mental et sur la maladie psychique. Souvent, quand on entend psychique, on pense à la folie, ce qui nous fait penser à fou, et qui dit fou, dit dangereux et donc les gens ne veulent pas de cela dans leur club.

Il y a un vrai travail de communication et de sensibilisation à faire. C’est pour cela qu’on essaye de se faire voir au maximum, d’aller au contact des gens en présentant notre fédération aux clubs, aux ligues et aux comités. On intervient aussi beaucoup dans les écoles, car l’on pense que plus, on parle tôt du handicap, moins les enfants seront réticents et fermés à la différence. On essaye aussi d’intégrer de plus en plus des personnes handicapées dans les écoles, mais le problème, c’est qu’il n’y a pas toujours assez de monde pour encadrer ces enfants, ou alors ils n’ont pas la bonne formation. On progresse, on avance, mais ce n’est pas gagné. »

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(Journée découverte en course à pied dans le Tarn pour les jeunes sportifs de sport adapté)

Vous en savez désormais un peu plus sur le sport adapté. Entre absences de médiatisation et image négative du handicap, son développement est controversé. Malgré tout, il compte bien continuer son bout de chemin et constitue en ce sens un enjeu majeur pour les années à venir.

C’est ainsi que s’achève la session rattrapage.

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