Rechercher
Fermer ce champ de recherche.
Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Le journal pour les jeunes, par les  jeunes

Ce que le “féminicide de Mérignac” révèle des failles en matière de suivi judiciaire

Picture of Juliette Messa

Juliette Messa

Etudiante en double licence d'Histoire-Médias à la Sorbonne et à Assas, je porte un grand intérêt à l'actualité politique et aux humanités. Curieuse et intrépide, toujours à la recherche des dernières informations, je souhaite devenir journaliste. Bonne lecture !
Ce mardi, Chahinez a été tuée par son ex-compagnon après avoir été immolée en pleine rue. Ce dernier avait déjà été emprisonné pour motif de violences conjugales avant d’être libéré en décembre 2020. Ce féminicide, le 39ème de l’année, a provoqué une vive indignation et a soulevé de nombreuses questions sur l’efficacité du suivi judiciaire des hommes coupables de violences conjugales en France.

Partagez ce post

Hommage Féminicide Mérignac

Elle avait 31 ans et était mère de trois enfants. Pourtant, sa vie lui a été ôtée dans des circonstances d’une violence inouïe, suscitant une vague d’indignation. Ce mardi, l’effroi a gagné la ville de Mérignac, en Gironde,  en découvrant la mort de Chahinez, tuée par son ex-mari en pleine rue. Selon le parquet de Bordeaux et la police, ce dernier lui aurait tiré dessus avec un fusil avant de l’immoler, en prenant un bidon d’essence de sa camionnette. Une demi-heure plus tard, Mounir B a été arrêté par des policiers de la Brigade Anti Criminalité (BAC) et placé en garde à vue, ayant en sa possession un fusil de calibre 12, un pistolet à gaz et une ceinture de cartouches.

Durant la conférence de presse de ce jeudi 6 mai, la procureure de la République de Bordeaux, Frédérique Borderie, a indiqué que l’ex-conjoint de la victime, « convaincu qu’elle avait un amant » souhaitait, selon ses dires , « la punir mais sans vouloir la tuer ». Par ailleurs, après avoir assassiné son ex-femme, l’individu s’est dirigé vers le domicile familial, demandant au fils ainé de la victime d’en sortir, lequel, une fois dans la rue, a constaté que de la fumée noire s’échappait de la maison. 

https://france3-regions.francetvinfo.fr/image/8TpOpFRcSyVoCsXrhq12HZmroHk/600x400/regions/2021/05/06/6093c3d8214a3_000_99d6d7-5304808.jpg
Chahinez, tuée par son ex-conjoint ce mardi 4 mai

Face à ces sinistres exactions, l’homme a été mis en examen ce vendredi par le parquet de Bordeaux, avec pour chefs d’accusations «  homicide volontaire par conjoint, destruction volontaire par incendie, violences volontaires sans ITT (incapacité temporaire de travail) avec arme en récidive légale », ayant également menacé un voisin de la victime. 

Un profil dangereux et récidiviste, libéré par la justice sous certaines conditions 

En effet, l’ex-conjoint de la victime n’en était pas à son premier épisode de violence, étant même connu des services de police. Son casier judiciaire comportait sept condamnations , comme celles pour conduite en état d’ivresse, vol avec destruction ou encore violences avec arme. Selon le ministère de l’Intérieur, l’homme avait été condamné le 25 juin 2020 « pour violences volontaires par conjoint , à une peine de dix-huit mois de prison, dont neuf mois assortis d’un sursis probatoire pendant deux ans, avec mandat de dépôt décerné à l’audience ». C’est également au même moment que la victime avait décidé de le quitter.

Ayant obtenu une mesure de placement extérieur, lui octroyant une semi-liberté, il avait été libéré le 9 décembre sous certaines conditions : selon le parquet , « il était, depuis, suivi par le service pénitentiaire d’insertion et de probation de la Gironde » et avait « obligation de soins, l’interdiction d’entrer en contact avec la victime et l’interdiction de paraître à son domicile ».

Toutefois, pour les voisines de la victime, la libération du détenu n’a fait qu’accroître son désir de vengeance. En précisant que « la police avait été prévenue », celles-ci affirment au journal Sud-Ouest que « il la harcelait, l’espionnait, la suivait. (…) Il y a près de deux mois, il l’a une nouvelle fois agressée devant un supermarché. Il a réussi à la faire monter dans son fourgon et a tenté de l’étrangler. Elle est parvenue à s’enfuir ».

Le 15 mars dernier, la victime avait déjà saisi les services de police, en décidant de porter plainte après une agression commise par son ex-conjoint quelques heures auparavant. Cependant, l’enquête n’avait pas été aboutie pour le motif suivant : « le mis en cause restait introuvable ». Par ailleurs, tandis que la victime ne bénéficiait pas du dispositif « téléphone grave danger », mesure garantissant l’accès à un téléphone doté d’une touche permettant aux victimes de violences conjugales d’alerter immédiatement une plateforme d’assistance en cas de danger, son ex-conjoint n’avait pas de bracelet anti-rapprochement. Des manquements à l’issue fatale. 

https://images.midilibre.fr/api/v1/images/view/6094af1fd286c253cc702679/large/image.jpg?v=1
Pancartes et fleurs déposées devant le domicile de la victime
Une mission d’inspection déclenchée dans la foulée 

Face à l’incompréhension et l’effroi qu’a suscité ce féminicide, les ministres de la Justice et de l’Intérieur ont décidé de créer, ce jeudi 6 mai, une mission d’inspection chargée d’étudier les conditions de remise en liberté et le suivi de ce mari violent. Attendues le 11 mai, les premières conclusions de la mission devront, comme l’affirment les ministères, « vérifier les modalités de mise en œuvre de la mesure de sursis probatoire dont le mis en cause a fait l’objet », « examiner si cette prise en charge a été correctement effectuée et suivie » et « analyser les suites réservées à la plainte du 16 mars 2021 déposée par la victime »

Si le gouvernement a pris certaines décisions visant à protéger les femmes de violences conjugales, à l’instar du Grenelle contre les violences conjugales du 3 septembre 2019 ayant mené à l’adoption de 46 mesures pour éliminer la violence conjugale, toutefois, pour certains, celles-ci s’avèrent insuffisantes. Dans un communiqué de presse du 3 septembre 2020, visant à faire un point d’étape sur les un an du Grenelle, il s’est avéré que seulement 37% des mesures avaient été réalisées, c’est-à-dire 17 mesures sur un ensemble de 46 adoptées, et que 50% d’entre elles étaient toujours en cours de réalisation.  

En guise de contestation, de nombreuses associations féministes ont décidé de hausser le ton : sur Twitter, Anne-Cécile Malifert, Présidente de la fondation des femmes, a ainsi accusé l’Intérieur d’inaction, en écrivant : « Mais que fait Gérald Darmanin ? ». L’association #NousToutes a souhaité adresser un message à l’attention d’Emmanuel Macron, en avançant sur Twitter que « l’absence de politiques publiques et de moyens met les femmes en danger ». Sur le même réseau social, c’est avec certitude et en lettres capitales que l’association Osez le féminisme affirme « INACTION = Etat complice ! »

Toutefois, l’exécutif a tenu à réagir, comme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté, qui a assuré qu’il était indispensable que naisse « un réveil de toute la société », indiquant être « horrifiée par ce crime horrible » pour soutenir que « le combat contre les violences conjugales et les féminicides continue ». Cette année, Chahinez est la 39ème victime de féminicide. En 2020, encore 90 femmes ont été tuées par leur conjoint. Une interrogation demeure : Pourra-t-on espérer, un jour, que ces chiffres cessent ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Total
0
Share