Rechercher
Fermer ce champ de recherche.
Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Le journal pour les jeunes, par les  jeunes

Céline Hervieu : « J’incite tous les jeunes à s’engager et à croire en leurs rêves »

Picture of Juliette Messa

Juliette Messa

Etudiante en double licence d'Histoire-Médias à la Sorbonne et à Assas, je porte un grand intérêt à l'actualité politique et aux humanités. Curieuse et intrépide, toujours à la recherche des dernières informations, je souhaite devenir journaliste. Bonne lecture !
A seulement 27 ans, Céline Hervieu est conseillère de Paris et du 6ème arrondissement ainsi que Secrétaire Nationale du Parti Socialiste chargée de l’enfance, de la famille et de la parentalité. Nous avons pu la rencontrer pour parler de son engagement politique au Parti socialiste, de l’engagement de la jeunesse en politique et de la situation actuelle du Parti socialiste. Un entretien en exclusivité pour Csactu.

Partagez ce post

Bonjour Céline, tu as 27 ans et tu es engagée politiquement au Parti socialiste. Pour quelles raisons ? 

Céline Hervieu. J’ai décidé de m’engager au PS à 21 ans car j’avais envie de rencontrer des personnes qui parlaient de politique. Durant mes études supérieures, les jeunes autour de moi ne s’y intéressaient que très peu, alors que je souhaitais rencontrer des personnes partageant cet intérêt et avec qui débattre de sujets de société. Comme je sentais que j’avais une sensibilité de gauche, le PS m’est apparu comme une évidence. Un après-midi, je me suis rendue sur leur site internet, j’ai envoyé une demande d’adhésion et j’ai ensuite été reçue par le référent de mon arrondissement (NDLR : 6ème arrondissement de Paris ), qui a pu m’expliquer le fonctionnement du parti.

Aurais-tu des figures politiques, en France comme à l’international, qui t’inspirent au quotidien ? 

C.H. Lionel Jospin est l’une des figures politiques qui m’a toujours inspirée. Lorsqu’il était premier ministre, il a porté une politique socialiste de gauche, montrant que la gauche savait gouverner, en apportant des mesures sociales. Il a été l’une des figures majeures du PS et aujourd’hui, il continue d’inspirer les jeunes générations. Par ailleurs, étant franco-brésilienne, j’admire le profil de Lula (NDLR: Luiz Inácio Lula da Silva, Président du Brésil de 2003 à 2011) qui a apporté beaucoup d’aide aux familles démunies avec le programme Bolsa Familia, octroyant une aide financière aux familles dont les enfants étaient scolarisés.

Selon toi, quelles sont les valeurs portées par le Parti socialiste ? En quoi t’y reconnais-tu ? 

C.H. La justice sociale est le cadre fondateur du PS. Il s’agit de réfléchir à davantage d’équilibre entre les individus se trouvant en situation de précarité et ceux ayant la chance de bénéficier d’un cadre familial et culturel plus enrichi. L’idée du socialisme est de penser à la régulation de ces inégalités par l’Etat, pour que chacun puisse s’émanciper, vivre librement et réaliser ses envies. Ainsi, la valeur fondamentale du PS est de rêver d’une société plus juste. Aujourd’hui de nouveaux combats, dans lesquels je me retrouve , viennent s’ajouter, qu’il s’agisse de la cause environnementale, du rapport à la production de richesse qu’il faudrait peut-être reconsidérer, au regard des conséquences sur la planète et la santé humaine, ou encore du féminisme et de la lutte contre les discriminations, en conservant une vision universaliste et internationaliste portée par le PS depuis des années.

On a récemment commémoré les quarante ans de l’élection présidentielle de François Mitterand. Pour toi, comme pour nous, qui n’étions pas nés à cette époque, que représente-t-il ? 

C.H. Même si je n’étais pas encore née, j’ai beaucoup entendu parler de lui au travers de mes parents. Il incarne cette capacité qu’a le PS à rassembler les différentes sensibilités politiques de gauche. Il s’agit du premier président socialiste de la Vème République qui a fait en sorte que les gauches se rassemblent derrière lui. Il a nommé des communistes en tant que ministres, ce qui relevait de l’avant-garde et d’un acte politique très fort. Il y eut beaucoup d’avancées économiques, sociales et sociétales durant sa gouvernance, qu’il s’agisse de la 5ème semaine de congés payés, le Revenu minimum d’insertion, la retraite à l’âge de 60 ans, l’abolition de la peine de mort ou encore la dépénalisation de l’homosexualité. Il s’agit d’un modèle pour les jeunes socialistes. Si notre héritage n’est pas forcément choisi, nous sommes affiliés à une histoire avec de grandes figures telles Léon Blum ou Jean Jaurès, qui sont des pères fondateurs. En cela, Mitterand incarne l’apogée de toute cette pensée.  Même si certains remettent en cause quelques-unes de ses positions, qu’il s’agisse de décisions internationales ou économiques, comme le tournant de la rigueur de 83, le fait de gouverner demande toujours de faire des choix. Il est difficile de gouverner et Mitterand a tout de même porté des combats très importants. Il faut donc prendre l’héritage dans son ensemble, avec tous ses bons côtés et ses facettes un peu plus obscures. Par sa capacité à rassembler la gauche, Mitterand restera gravé dans les esprits.

De nos jours, on assiste au contraire à une dislocation des forces de gauche . Le 9 mai, au Creusot, François Hollande a déclaré que « ce n’est pas l’union qui fait la force mais la force qui fait l’union ». Le PS doit-il se concentrer sur la force de son programme politique pour rallier les autres partis de gauche à ses côtés en vue des présidentielles de 2022 ? 

C.H. L’union ne se décrète pas, il y a toujours eu des divergences d’opinions à gauche. Tandis que certains sont révolutionnaires et rejettent les institutions en vigueur , d’autres sont réformistes, considérant que l’on peut s’appuyer sur les institutions pour réformer l’Etat tel qu’il est. Aujourd’hui, alors que nous sommes face à un tournant de l’histoire de notre société, entre la crise sanitaire vécue et l’augmentation des inégalités, il est frustrant de constater que l’on n’arrive pas à travailler sur un programme commun. Pour cela, il faut tous se rassembler autour d’une table  en réfléchissant ensemble aux mesures que l’on souhaite concrètement proposer. En ce moment même, le PS construit son programme politique pour 2022, un programme qui lui est propre. Ensuite, même si des échanges ont déjà eu lieu,  il faudra que le PS continue à se diriger vers les partenaires en leur expliquant ses positionnements, pour en débattre, quitte à retravailler certaines propositions. Même si une alliance partira du fond des idées politiques, il demeure toujours la question de la personne incarnant ces idées, faisant que l’on a du mal à se rassembler, ce qui est regrettable. Toutefois, le PS a cette caractéristique d’être central, en ayant toujours été le parti permettant de rassembler les différentes forces de gauche. Aujourd’hui il a un peu perdu cette capacité, raison pour laquelle nous devons retravailler dessus pour récupérer cette force centripète permettant de travailler ensemble.

Pour revenir sur la notion de la personne incarnant ces idées politiques, pouvant mettre en difficulté une possibilité de rassemblement, dans une interview parue le 6 mai dans l’hebdomadaire l’Express, Bernard Cazeneuve a déclaré que Jean-Luc Mélenchon devait être combattu pour 2022. Le Parti socialiste partage-t-il cette opinion ? 

C.H. Au PS, tous ne partagent pas l’opinion de Bernard Cazeneuve, qui s’est exprimé en son nom. Aujourd’hui, le PS est beaucoup attaqué par La France Insoumise et Jean-Luc Mélenchon, qui a des sorties médiatiques de plus en plus véhémentes à notre égard. Parfois, on se place nous-mêmes dans un débat entre forces de gauche alors que nos véritables ennemis sont plutôt Les Républicains, et dans une plus grande mesure le Rassemblement National . Nous combattons également Emmanuel Macron qui incarne ce néolibéralisme que nous positionnons, au PS, à la droite de la scène politique. Une majorité de socialistes reconnait beaucoup de qualités à Jean-Luc Mélenchon : il est un tribun , une personnalité comptant beaucoup dans la vie politique française, tout en étant issu de nos rangs. Aujourd’hui, il a fait des choix différents : nous ne nous rejoignons pas sur le sujet européen, tout comme sur le rapport aux institutions, que nous souhaitons pourtant repenser. Jean-Luc Mélenchon ne veut pas discuter avec le PS, estimant que nous nous sommes compromis lors du dernier quinquennat, avec des mesures qui ne furent pas bien comprises ni bien reçues par le peuple de gauche . On doit faire notre mea-culpa et repenser à tout ce qui n’a pas fonctionné pour ne pas reproduire ces erreurs. Pour autant, nous ne considérons pas Jean-Luc Mélenchon comme notre premier ennemi car il a beaucoup de choses à apporter et représente une grande partie de la population française du peuple de gauche . Il est donc important de travailler ensemble à un renouvellement politique français sans le mettre à l’écart. Cependant, le PS a l’impression de faire un pas vers LFI sans que cela ne soit réciproque de leur côté. 

Si l’électorat jeune a toujours été associé à un vote à gauche, que ce soit avec la génération post mai 68 ou la génération Mitterand, aujourd’hui, le RN est devenu le premier parti pour lequel votent les 25-34 ans selon l’Ipsos.  Comment expliquer ce changement de tendance ?

C.H. Ce sondage fut une onde de choc, même si nous savons que le premier choix des jeunes est avant tout l’abstention. Ils entretiennent un rapport compliqué à la politique et nous avons du mal à les faire venir en politique, que ce soit dans les partis ou aux urnes . Voir la jeunesse faire le choix du RN relève d’une défaite nationale. Toutefois, il ne faut pas s’y résoudre et je pense que lorsqu’on s’engage politiquement en étant jeune, on a tendance à aller vers des positions plus extrêmes. Le PS, pouvant incarner des notables installés dans la politique depuis des années portant des valeurs très fortes, sans toutefois avoir des idées révolutionnaires, peut ne pas attirer une certaine jeunesse s’engageant d’une manière plus véhémente. Toutefois, je pense qu’au PS, nous devons repenser notre manière de militer , en revoyant le rapport des jeunes à l’engagement. Si ceux-ci sont très engagés dans les causes, comme pour le climat, l’égalité entre les sexes ou encore la lutte contres les discriminations, toutefois ils ne considèrent plus les partis politiques comme moteurs de ce changement. Or, l’engagement politique s’articule à l’engagement associatif. Si beaucoup de jeunes veulent de l’action concrète, le parti socialiste leur permet d’y penser et doit également leur permettre d’agir concrètement, que ce soit à l’échelle de leur ville ou de leur quartier. Une incertitude face à l’avenir, l’anxiété et une certaine forme de peur peuvent expliquer la raison pour laquelle ils se tournent vers des courants beaucoup plus extrêmes. Malheureusement, le RN se situe au delà d’une idée de révolution : ce parti incarne des valeurs à l’encontre de l’idée humaniste de la République française. Il est donc de notre responsabilité, en tant que parti politique, de parler à cette jeunesse-là et d’arriver à recréer cet espoir.

Comment parler à cette jeunesse ? Comment le PS oeuvre-t-il pour attirer un électorat plus jeune ? 

C.H. En étant présent sur ses sujets pour lesquels la jeunesse veut s‘engager . Cela passe aussi par les syndicats , les organisations étudiantes et le monde étudiant, qui a tiré la sonnette d’alarme durant la crise sanitaire. Le PS a essayé de se positionner et de formuler un certain nombre de mesures comme le minimum jeunesse, le RSA pour les jeunes de moins de 25 ans, la garantie jeune (qui a été lancée sous Francois Hollande) pour accompagner les jeunes financièrement et dans les parcours de formation. Il faut être à l’écoute de la jeunesse en sachant comprendre ses attentes, ses revendications et la société qu’elle souhaite défendre. Le PS doit permettre aux jeunes d’agir concrètement autour d’eux. Avec certains jeunes socialistes, nous sommes en train de monter une plate-forme qui recense l’intégralité des structures permettant d’accéder gratuitement à des soins de santé mentale, pour trouver des soins à partir de sa localisation géographique. Tous les moments plus informels comptent également : avant la crise sanitaire, nous organisions des ciné-débats , des apéritifs festifs autour d’une thématique sur laquelle débattre , des week-ends d’intégration durant lesquels nous assistions à des conférences pour être formés sur un sujet spécifique . Tous ces éléments permettent de créer une vie de parti, pouvant plaire à une jeunesse désireuse de concrétiser cette volonté d’engagement. 

Le Parti socialiste lors de la marche pour le climat en 2019

A la différence du gouvernement, Le PS est favorable à l’extension du RSA pour les jeunes de moins de 25 ans . Pour quelles raisons ?

C.H.  La crise sanitaire que nous vivons nous oblige à considérer la situation économique et financière des étudiants, qui ont perdu leurs petits emplois , des moyens de subsistance indispensables.  Quand on a constaté que les files de distribution alimentaire augmentaient, que les jeunes n’avaient plus la possibilité de payer leur loyer et de vivre décemment, nous nous sommes interrogés sur les mécanismes existant déjà et qui pourraient permettre de soutenir financièrement cette jeunesse durant la période que nous traversons, voire au-delà.  Nous sommes favorables à cette extension du RSA car tout au long de la vie, la société française décrète que chaque être social doit avoir un revenu minimum lui permettant de répondre à ses besoins premiers. Toutefois, ce dernier n‘est disponible qu’à partir de 25 ans, c’est à dire sur toute la période d’activité d’un individu. En passant dans la catégorie des seniors, on a droit au minimum vieillesse, avec la garantie d’un certain revenu. Or, entre 18 et 25 ans, il n’y a aucun revenu permettant aux jeunes de répondre à ces besoins primaires. Si la plupart des jeunes ont la chance d’être aidés par leurs parents, cela n’est pas systématiquement le cas pour tous. Les jeunes ont besoin de bénéficier de ce RSA pour garantir une égalité de traitement avec les plus de 25 ans. Par ailleurs, cette mesure aurait pu être appliquée en urgence, mais le gouvernement a fait le choix de la refuser. Nous avons essayé de négocier avec lui, en proposant de rendre l’extension aux moins de 25 ans temporaire jusqu’en 2023, le temps d’observer l’efficacité de cette mesure, mais le gouvernement a refusé. On continuera à se battre, sur le plan des débats et des idées, pour promouvoir cette mesure, qui nous semble essentielle au vue de la situation de précarité que vivent les jeunes aujourd’hui. 

Si tu devais adresser un message aux jeunes aujourd’hui, lequel serait-il ? 

C.H. Je leur dirais de croire en leurs rêves et en l’engagement politique , de ne pas céder à la tentation de croire que le politique ne peut rien , en pensant que la marche du monde va dans un sens sans que l’on puisse y faire quelque chose. Il y a toutes formes d’engagements différents, et l’engagement politique permet aussi bien de s’accomplir sur le plan intellectuel que personnel. Tout le monde a sa place dans la société : il est très important de ne pas se résigner et de croire en ses rêves , en la possibilité de changement de la société pour la faire tendre vers plus de justice.  Il est possible de repenser le rôle de l’Etat et de la politique, pour pouvoir corriger les inégalités de destin qui existent, et permettre à chacun de penser sa propre émancipation. J’incite donc tous les jeunes à s’engager et à croire en leurs rêves.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Total
0
Share