Rechercher
Fermer ce champ de recherche.
Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Le journal pour les jeunes, par les  jeunes

Gisèle Halimi : une panthéonisation incertaine ?

Picture of Juliette Messa

Juliette Messa

Etudiante en double licence d'Histoire-Médias à la Sorbonne et à Assas, je porte un grand intérêt à l'actualité politique et aux humanités. Curieuse et intrépide, toujours à la recherche des dernières informations, je souhaite devenir journaliste. Bonne lecture !
Alors que plusieurs associations avaient appelé à panthéoniser l’avocate Gisèle Halimi, le projet pourrait se voir compromis, selon des sources de France-Inter. Un possible recul de la part de l’Élysée, dû aux positions de la militante féministe durant la guerre d’Algérie, qui a entrainé une vague de réactions.

Partagez ce post

Gisèle Halimi Panthéon

« L’avenir boitera s’il n’est construit que des mains d’hommes et d’attentes de femmes » affirmait Gisèle Halimi. Ardemment engagée dans la cause féministe, l’avocate, décédée en juillet 2020 à l’âge de 93 ans, était pressentie pour faire son entrée au Panthéon. Signataire du « manifeste des 343 » femmes reconnaissant avoir avorté , Gisèle Halimi est notamment restée emblématique pour l’affaire du viol de Bobigny en 1972, procès très médiatisé marquant une avancée dans le droit à l’avortement. 

https://cache.marieclaire.fr/data/photo/w1000_ci/5r/photo-de-gisele-halimi-proces-bobigny.jpg
Gisèle Halimi répondant aux questions des journalistes durant l’affaire du viol de Bobigny en 1972

Depuis juillet 2020, de nombreuses associations féministes militent pour l’entrée de Gisèle Halimi au Panthéon, qui pourrait alors devenir la sixième femme à y reposer, la dernière en date étant Simone Veil en 2018. Toutefois, selon une information France-Inter, Emmanuel Macron aurait émis quelques réticences quant à ce projet pour la raison suivante : ses prises de position durant la guerre d’Algérie. 

Pourtant, la panthéonisation de Gisèle Halimi avait été suggérée au mois de janvier par l’historien Benjamin Stora, chargé par Emmanuel Macron d’établir un rapport sur les questions mémorielles relatives à la colonisation et à la guerre d’Algérie. Le rapport affirme notamment que l’avocate était une « grande figure d’opposition à la guerre d’Algérie ». Depuis, un processus de concertation avait été lancé, de manière à trancher sur la décision de panthéonisation.

Une figure féministe également engagée dans la lutte anticoloniale 

Si Gisèle Halimi était connue pour son engagement dans la défense des droits des femmes, celle-ci a également joué un rôle actif dans la lutte anticoloniale. En effet, ayant milité pour l’indépendance de la Tunisie, dont elle était native, et de l’Algérie, elle est devenue l’avocate de condamnés algériens et a signé le « manifeste des 121 », intitulé « Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie », aux côtés de Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre ou encore André Breton, réputés pour leur anticolonialisme. 

En 1960, la défense de la militante du FLN Djamila Boupacha est emblématique des convictions auxquelles l’avocate se dédie : combinant la cause féministe et décoloniale, Gisèle Halimi choisit de défendre la jeune femme, accusée d’avoir posé une bombe avant de se faire torturer et violer par des soldats français. Une prise de position alors controversée du point de vue de l’opinion publique française, certains ayant jugé l’avocate comme « traitre à la nation » pour avoir défendu la jeune militante du FLN. 

Gisèle Halimi et Djamila Boupacha
Gisèle Halimi aux côtés de Djamila Boupacha

À cet égard, l’engagement de Gisèle Halimi durant la guerre d’Algérie risque de remettre en cause sa panthéonisation. Selon France-Inter, Emmanuel Macron pourrait renoncer à ce projet, craignant que des associations de harkis et de pieds noirs ne le voient d’un mauvais oeil, elles qui, selon une source de l’Elysée, auraient appréhendé ce projet comme « une insulte ». En janvier, dans une tribune parue dans Le Figaro, un collectif de femmes et filles de harkis avaient estimé que « Gisèle Halimi, qui a affiché́ en plusieurs occasions son mépris pour les harkis, n’est pas une femme de réconciliation ». 

Par ailleurs, pour prendre cette décision, le rôle du Président s’avère majeur : comme le rappelle Patrick Garcia, professeur à l’université de Cergy Pontoise, pour toutes les questions relatives aux panthéonisations « Rien n’est codifié, le Président seul choisit et la décision est mise en œuvre par le ministère de la culture » . Un refus du chef de l’Etat pourrait donc bouleverser tous les espoirs que certains avaient placés dans cette panthéonisation. 

Un sujet sensible , provoquant de nombreuses réactions

Selon un conseiller de l’Elysée, Emmanuel Macron n’a pas définitivement renoncé à la panthéonisation de Gisèle Halimi, toutefois, même si « la réflexion est en cours », le sujet s’avère être sensible. Au sein même de l’exécutif, les positions sont partagées : si le chef de l’Etat émettrait quelques réticences, la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes Elisabeth Moreno est favorable à cette panthéonisation, ayant déclaré en décembre 2020 « mettre toute son énergie » pour qu’Emmanuel Macron la rejoigne sur cette position, en rappelant que Gisèle Halimi a été « une militante de tous les droits » en portant « des batailles que personne n’avait eu le courage de porter avant elle ». La ministre ne nie pas pour autant les difficultés auxquelles le projet pourrait se confronter, soutenant que « les processus de panthéonisation peuvent être longs et complexes car ils nécessitent dialogue et consensus ».

https://www.leparisien.fr/resizer/dQP3B6kKbng5AzW5ixesq9v6JrE=/932x582/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/leparisien/O5GUT75A5OTUJAMUYAGCEV7PVE.jpg
La ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Elisabeth Moreno

Les positions de la ministre sont rejointes par de nombreuses associations féministes : pour elles, la panthéonisation de Gisèle Halimi relève de l’évidence. En cela, le possible recul de l’Elysée est jugé « Décevant, voire révoltant » pour l’association Osez le féminisme. Certains élus se joignent à cette déception, comme le député LFI Bastien Lachaud, qui a déclaré sur Twitter qu’ « en faisant son métier d’avocate, et en dénonçant la torture, elle sauvait justement l’honneur de la France ». Certains sont des défenseurs de longue date de la panthéonisation de Gisèle Halimi : en octobre 2020, la Mairie de Paris en avait émis le souhait, tandis que de nombreuses pétitions en faveur de son entrée au Panthéon circulent depuis plusieurs mois.

Sur le fronton du Panthéon a été gravée la célèbre inscription « Aux grands Hommes la Patrie reconnaissante », rendant hommage à ces figures qui, tout au long de leur vie, ont défendu inlassablement leurs convictions républicaines sans une once de résignation, marquant à jamais l’Histoire du pays. L’assurance avec laquelle Gisèle Halimi a défendu les siennes lui permettra-t-elle d’assurer le transfert de ses cendres dans ce lieu de reconnaissance nationale ? 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Total
0
Share