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Champs Elysées et toile cirée : l’ultime triomphe de Christo

Picture of Maë Veltz

Maë Veltz

Le 12 septembre, un étrange rideau a commencé à se refermer sur l’Arc de Triomphe à Paris. Une installation éphémère et artistique prend place sur les Champs Elysées : du 18 septembre au 3 octobre, le monument français se voit ainsi recouvert d’une nouvelle parure !

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Arc de triomphe emballé
L'œuvre ultime de Christo : l'Arc de triomphe emballé

Le 12 septembre, un étrange rideau a commencé à se refermer sur l’Arc de Triomphe à Paris. Une installation éphémère et artistique prend place sur les Champs Elysées : du 18 septembre au 3 octobre, le monument français se voit ainsi recouvert d’une nouvelle parure !

L’Arc de Triomphe s’emballe, un hommage posthume à Christo

25 000m² de toile, 3000m de cordes rouges, tel est le résultat de l’œuvre de Christo, artiste bulgare décédé l’an passé. Le nouveau manteau d’argent de l’Arc de Triomphe aura mobilisé 95 cordistes et coûté 14 millions d’euros. Une somme entièrement financée par la vente des œuvres de l’artiste bulgare, entre travaux préparatoires, croquis, collages ou encore maquettes datant des années 1950 et 1960. Le monument est donc désormais vêtu de sa toile en tissu recyclable, choisie pour sa brillance. Cette dernière réfléchit en effet les lumières de la ville à toute heure de la journée, tout en offrant un tableau éclairé rappelant les toits parisiens. Un double hommage que viennent compléter les cordes rouges, en hommage au drapeau français. Leur longueur n’est d’ailleurs pas anodine. Selon Bruno Cordeau, administrateur de l’Arc de Triomphe, ces 3000m de cordes rappellent la distance séparant le monument de la pyramide du Louvre.

Dans The Guardian, dans une traduction rapportée par le Courrier international, on parle de « l’exploit monumental d’envelopper l’Arc de Triomphe dans 25 000 mètres carrés de toile et de réaliser ainsi à titre posthume pour l’artiste Christo un rêve vieux de 60 ans a commencé. » Un hommage, donc, à un artiste décédé le 31 mai 2020 à New York que dirige son neveu, Vladimir Yavachev. Christo, qui avait pensé ce projet dès 1961, n’avait jamais cru pouvoir l’accomplir avec l’accord du gouvernement français. L’accord est finalement obtenu en 2017. L’œuvre est montée. C’est désormais chose faite. Tel un présent sur les Champs Elysées, le monument emballé vient offrir un ultime triomphe à Christo.

Christo : un couple d’artiste uni et engagé

Ce dernier, de son vrai nom Christo Vladimiroff Javacheff, est né en Bulgarie, en 1935. Il étudie à Sofia les Beaux-Arts, avant de fuir son pays et le régime communiste. En 1956, il s’installe à Paris. Il y rencontre Jeanne Claude Denat de Guillebon, fille du commandant général de Polytechnique, dont il tombe amoureux. Tous deux forment dès lors un couple d’artiste, uni sous le pseudonyme de Christo.

Dans l’incertitude de la Guerre Froide, ils s’unissent dans leur engagement, tant artistique que politique. Marqués par la construction du mur de Berlin, ils installent à Paris en 1962 un mur de bidons d’essence bloquant une rue du quartier latin pendant quelques heures. Ils sont finalement délogés par la police, mais cela marque le début de leur activisme artistique. En 1970, ils font tomber leur premier rideau. Sous les applaudissements américains, Christo barre une vallée du Colorado d’un large rideau orange. A l’issue de la mort de Mao, en 1976, ils construisent une barrière en toile en Californie : cette dernière doit alors faire écho à la grande muraille de Chine. Le couple s’emballe : en 1985, ils emballent le Pont Neuf, soulevant de nombreuses indignations. Pourtant, 3 millions de personnes se déplacent pour voir cette œuvre d’art aux allures plutôt originales. En 1995, c’est au tour du Reichstag de Berlin de se faire empaqueter.

Et désormais, le triomphe Christo se referme sur les Champs Elysées.

“Poubelle géante”, “esthétique des emballages à haut gaspillage” : tous ne s’emballent pas…

Un triomphe qui, pourtant, ne fait pas l’unanimité. Les internautes ont été nombreux à se moquer de l’installation artistique, ou à en détourner l’image sur les réseaux sociaux. Maxime Thiébaut, docteur en droit public, parle lui d’une « poubelle géante ». Beaucoup refusent de s’emballer : certains parlent d’une insulte à la mémoire et à l’histoire française. D’autres d’un attentat, ou encore d’une déception pour les quelques touristes venus admirer le célèbre Arc de Triomphe.

Carlo Ratti, architecte et ami de Christo, vient rejoindre ces critiques dans sa tribune publiée dans Le Monde le 11 septembre. Il invite notamment à abandonner l’ « esthétique des emballages à haut gaspillage » dans une ultime prise de conscience environnementale. Une toile recyclée, certes, mais qui vient parachever l’idéal consumériste de notre société, dominée par l’ère du plastique. Comme il le souligne, citant Christo, « Nous devons emprunter l’espace [urbain] et y introduire des métamorphoses douces pendant quelques jours ». Il faut revisiter la ville. Un pari raté, selon Carlo Ratti, dans cet hommage rappelant l’esthétique des emballages plastiques et du gaspillage auquel nous faisons désormais face.

C’est pourtant sous les applaudissements des passants que la toile s’est, cette semaine, rabattue sur le monument. Christo, plus d’un an après sa mort, fait donc toujours débat. Mais de ces polémiques naissent les échanges, les interrogations. Questionner l’art, n’est ce pas ce qui définit au mieux l’œuvre ? Peut être que le pari est, en ce sens, réussi. On apprend à revoir, revisiter, un monument auquel les passants s’accoutumaient. L’interroger. Et, par là, lui offrir un nouveau regard.

Comme l’écrit le philosophe Herbert Marcuse dans L’homme Unidimensionnel, « L’art brise la réification et la pétrification sociales. Il crée une dimension inaccessible à toute autre expérience – une dimension dans laquelle les êtres humains, la nature, et les choses ne tiennent plus sous la loi du principe de la réalité établie. Il ouvre à l’histoire un autre horizon ».

Et c’est ainsi que, depuis la plus belle avenue du monde, Christo nous ouvre à un nouvel horizon artistique…

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