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Le journal pour les jeunes, par les  jeunes

“Tu reprendras bien un verre ?” ou la culture française de l’apéro

Picture of Maë Veltz

Maë Veltz

Voici la fin de l’été... Peut-être êtes-vous partis en vacances, peut-être êtes-vous restés chez vous pendant ces deux mois au cours desquels le soleil a été admirable par sa discrétion, mais vous n’avez sans doute pas échappé au traditionnel "apéro".

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Apéro virtuel alcool été
L'apéro-zoom, un nouvel outil pour trinquer

L’apéro : un art sacré et prisé

Bu seul ou à plusieurs, entre amis ou en famille, accompagné de crudités ou de biscuits salés, l’apéritif, au même titre que la baguette ou le camembert, est un élément important, voire inévitable de la culture française. Selon une étude réalisée en 2017 par le Manifesto Apero, 70% des français perçoivent l’apéro comme un besoin fondamental. A l’ère des apéros modernes, motivés par l’utilisation croissante de plateformes telles que Zoom, 89,5% des français sondés estiment que l’apéritif soude dans une période incertaine. Et apéro rime très généralement avec alcool. Dénué de convention, l’alcool apparait alors comme un refuge. C’est un lieu de convivialité par lequel les français se détournent des obligations et des codes.

Aujourd’hui, 1 français sur 9 pratique donc l’apéro, et chaque semaine on compte près de 39 millions d’apéros organisés en France, dont 60% le weekend. Est-il dès lors étonnant de voir que la France se classe au 8e rang mondial des plus gros buveurs d’alcool, derrière les pays de l’Est (comme la Hongrie, la Pologne et la Russie) ?

L’alcool, à juste titre, est donc entré dans la culture française, dans tous les sens du terme. Outil de sociabilité par excellence, la culture apéro est sacrée. La culture de l’alcool français jouit d’un rayonnement international, à travers un marché riche et varié. Le marché d’alcool en France représente ainsi 13 milliards d’euros, avec une prédominance pour les vins et les champagnes. Il s’agit du deuxième poste de production sur le territoire, après le lait. Mais cette double culture française est-elle récente ?

Histoire de boire ?

Elle n’a, en effet, pas toujours eu le sens qu’on lui donne aujourd’hui. Prendre une boisson apéritive daterait en effet du Moyen-Âge et aurait eu une fonction médicinale. Le mot apéritif vient en effet du verbe latin aperire, signifiant ouvrir : à ce titre, l’apéritif avait pour fonction d’ouvrir l’appétit ou permettre une meilleure digestion en fin de repas. On consommait ainsi, aux premières heures de l’apéritif, un vin cuit aromatisé aux herbes, apprécié pour sa qualité thérapeutique plus que gustative. C’est à cette période que nait l’hypocras, digestif de fin de repas constitué de vin rouge.

La forme moderne de l’apéritif se popularise en 1846. Joseph Dubonnet, un chimiste français, crée une boisson à base de vin et quinine pour lutter contre le paludisme. Il camoufle le goût amer de sa boisson avec un mélange d’herbes et d’épices à saveurs fortes. Cette boisson devient populaire au sein de la légion étrangère. Un jour, sa femme décide de servir pour la première fois la boisson en apéritif à des amis, et popularise ainsi le Dubonnet bu en apéritif. Des archives montrent cependant que l’apéritif serait né plusieurs siècles auparavant, en Italie. Antonio Benedetto Carpano invente ainsi en 1786 à Turin le vermouth. L’apéritif ne se généralise cependant pas avant le XIXe siècle en Europe, notamment par le biais de l’invention de Joseph Dubonnet.

L’apéro, d’abord réservé aux élites françaises, se démocratise progressivement en France dès le lendemain de la Seconde Guerre Mondiale.

L’apéro, un outil social

L’alcool s’inscrit aujourd’hui dans nos mœurs, si bien que celui qui ne boit pas d’alcool s’exclut de la norme. Selon Santé Publique France, en 2017, 49% des sondés considèrent qu’offrir de l’alcool fait partie des règles de sociabilité. Qui, aujourd’hui, n’a pas bu par conformisme, par peur d’une exclusion sociale ou même d’un jugement accompagné d’un « quel trouble-fête » ? Boire, c’est s’affirmer comme adulte par opposition aux enfants auxquels on proscrit les boissons non-alcoolisées. Boire, c’est faire la fête. Boire, c’est être un individu social et socialisé.

Selon Ludovic Gaussot, maître de conférence en sociologie à l’université de Poitiers, « l’alcool est beaucoup moins un aliment qu’avant ». Autrefois destiné à ouvrir l’appétit, l’alcool vient avant tout ouvrir l’homme aux autres. Désormais, comme l’affirme M. Gaussot, « il est associé aux moments conviviaux. On pointe du doigt la consommation régulière, pas la consommation festive. En France, il y a peut-être 10 ou 15% d’abstinents. S’il est possible de ne pas boire, cela devient malgré tout difficile d’être à part quand tout le monde fait pareil. »

L’apéritif devient dès lors un outil de communication. C’est ce que vient confirmer l’anthropologue Isabelle Bianquis pour qui boire est avant tout un lien social. En effet, celui qui boit seul ne sera pas soumis au même regard que celui qui boit en groupe, une tomate cerise à la main. Comme l’écrit Isabelle Bianquis, « boire avec quelqu’un c’est communiquer, être en « extase » au sens propre, littéralement hors de soi. » Selon elle, la dimension religieuse à laquelle l’alcool était associé, à travers les rituels par lesquels on accède à un monde spirituel, a disparu. Mais l’idée d’une mise en relation perdure. L’apéro est un moment de partage des secrets, des non-dits, un moyen d’accès à l’intimité de l’autre. Isabelle Bianquis ajoute d’ailleurs que l’alcool « est un puissant lien social, peut-être le plus important de l’histoire. »

Alors finalement, le secret de l’apéro est là : se lier aux autres pour faire partie de la société. A l’ère de la pandémie du Covid-19 où l’on préconise désormais la distanciation sociale, l’apéro-zoom et ses mutations rappellent l’importance du lien social appelé : alcool. La fin du monde, peut-être, mais trinquons à cela avant.

[N’oubliez pas que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. L’alcool se consomme avec modération et ne pas boire régulièrement permet d’éviter un comportement addictif.]

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