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Prix Planeta : Trois hommes sous un pseudonyme féminin

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Maïlys Boireau-Saint-Marc

Étudiante en Master de Littératures Langues Patrimoines et Civilisation à L'Université d'Angers, je porte un grand intérêt à l'actualité ainsi qu'aux mondes de l'Art et du sport. Je souhaite poursuivre mes études dans le journalisme et vous souhaite bonne lecture !
Le 15 octobre dernier à Barcelone, le jury de la 70ème édition du prestigieux concours littéraire espagnol, le Prix Planeta, a récompensé Carmen Mola pour son roman La Bestia (« La bête »). Mais stupeur dans l’assemblée, ce sont bien trois hommes qui sont montés sur scène pour recevoir le prix de la main du couple royal.

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Prix Planeta Trophée

Un prix prestigieux

L’Espagnol José Manuel Lara Hernández, fondateur de l’éditorial Planeta et du groupe Planeta, crée en 1952 un nouveau prix littéraire hispanique. Son ambition : récompenser, mettre en lumière et rendre accessible au grand public des auteurs d’Espagne et d’Amérique Latine. Au fil des années, ce prix a pris de l’envergure et de plus en plus de prestige jusqu’à devenir un prix majeur pour tous.tes écrivaines et écrivains hispanophones. On note parmi les lauréats et finalistes, des auteurs incontournables et talentueux comme le Péruvien Mario Vargas LLosa ou l’Espagnol Camilo José Cela. À noter que ces deux écrivains ont également été récompensés en remportant le prix Nobel de littérature. 

Une édition exceptionnelle et retentissante 

À bien des égards, cette dernière édition du Prix Planeta a connu un vrai retentissement dans la péninsule ibérique. En effet, le prix est devenu le prix littéraire offrant au vainqueur la plus grosse somme d’argent avec une dotation d’un million d’euros. En comparaison, le prix Nobel de littérature récompense le lauréat à hauteur d’environ 980 000 euros et notre Goncourt offre 10 euros « symboliques ».

Parmi plus de 650 œuvres littéraires, le jury composé de journalistes, critiques, universitaires et hommes de lettres a récompensé le roman policier La Bestia de Carmen Mola. La Bestia nous plonge dans le Madrid des années 1834 en pleine épidémie de choléra et en proie à une vague d’assassinats de jeunes femmes. Sur le site du prix Planeta, on peut lire : « Magistralement, Carmen Mola tisse, avec les fils du meilleur thriller, ce roman choquant, frénétique et implacable, de l’enfer et des ténèbres. »

Mais surprise, l’autrice n’est pas une femme. Derrière ce pseudonyme féminin se cache en réalité trois hommes écrivains et scénaristes espagnols : Jorge Díaz, Augustín Martínez et Antonio Mercero. 

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L’histoire derrière le pseudonyme

Carmen Mola s’est fait connaitre en 2018 grâce à sa trilogie La novia gitana (« La Fiancée gitane ») et a alors accédé au statut de romancière à succès avec plus de 400 000 exemplaires vendus. L’autrice est toujours restée très discrète sur sa vie privée et n’a jamais donné d’interviews en « face à face » avec un journaliste. Beaucoup de mystère tourne donc autour de ce nom et il ne fait aucun doute que Carmen Mola est un pseudonyme. D’après ce que l’on sait, elle serait née à Madrid, mère de trois enfants et professeure. On la surnomme la « Elena Ferrante espagnole » en référence à l’écrivaine italienne qui publie depuis toujours ses romans sous pseudonyme. 

Le 15 octobre dernier le masque est tombé car le règlement du prix Planeta impose à chaque auteur publiant sous un pseudonyme de révéler sa véritable identité en cas de victoire. Ce sont donc bien trois hommes qui sont montés sur scène ce soir-là. Jorge Díaz expliquait alors : « Nous sommes trois amis qui, il y a quatre ans, avons décidé de combiner nos talents pour raconter une histoire ». Puis, le lendemain ils évoquaient dans les pages du journal El País ne pas s’être « cachés derrière une femme, juste derrière un nom ».  

La polémique et le questionnement idéologique  

Cette révélation a créé de nombreux débats dans la sphère féministe espagnole. En effet, Carmen Mola est devenue une icône pour les féministes et l’Institut des femmes « avait ajouté son travail à sa section :  lecture féministe » à côté d’autrices comme Margaret Atwood.  La directrice de l’Institut des femmes qui avait à l’époque fait ce choix, a publié sur les réseaux : « Au-delà de l’utilisation d’un pseudonyme féminin, c’est que ces gars répondent à des interviews depuis des années. Ce n’est pas seulement le nom, c’est le faux profil avec lequel il a emmené les lecteurs et les journalistes. Escroqueurs. »  

Se pose donc la question de l’utilisation d’un pseudonyme féminin par trois hommes. En effet, pour certaines et certains, cette utilisation est offensante et est un pied de nez donné « aux privilèges » que connaissent les hommes dans la société. Rappelons que durant plusieurs siècles, il était très mal vu et presque impossible pour une femme de publier ses écrits. La question est donc de savoir « où s’arrête l’invention et où commence l’appropriation ». Par ailleurs, quand on sait que 80% des achats de livres dans les pays anglophones sont effectués par des femmes et que 75% des fictions les plus vendues sont écrites par des femmes, on peut également se poser la question du choix de José Díaz, Augustín Martínez et Antonio Mercero d’un point de vue commercial. 

À chaque lecteur de se faire son propre avis en s’informant et en découvrant les ouvrages de Carmen Mola. 

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