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Le journal pour les jeunes, par les  jeunes

Quand le fait religieux se réinvite à la table des jeunes générations

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Manon DELASSUS

« 38% des jeunes de 18-30 ans disent appartenir à une religion ».  Ce constat, c’est celui d’un sondage réalisé par l’institut Kantar Public à la demande de Philippe Portier et Charles Mercier, spécialistes du catholicisme. Même si 52% d’entre eux répondent au contraire « non », cela pose la question d’un retour au religieux parfois observé chez les jeunes adultes, mais également chez les adolescents. Explications.

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Quand le fait religieux se réinvite à la table des jeunes générations © Freepik
Quand le fait religieux se réinvite à la table des jeunes générations © Freepik

Entre Nicolas Boudeele, professeur d’Histoire-Géographie dans un collège situé en zone de Réseau d’Éducation Prioritaire (REP) de la région parisienne et Stéphane Aurousseau, bénévole pour la Ligue de l’Enseignement qui réalise des sensibilisations sur la laïcité, le constat est unanime : la religion fait son retour chez les jeunes générations. À cela, plusieurs raisons prévalent. Déjà interrogés concernant la laïcité, ils livrent cette fois ci leur point de vue sur ce phénomène intrinsèquement lié.

L’incertitude

La société fait l’objet de l’effondrement de certains repères qui auparavant aidaient à la structurer. Sur l’échiquier politique, la traditionnelle division gauche – droite n’est plus, les grandes idéologies qui structuraient les façons de voir le monde s’en sont allées.

« Ces marqueurs forts permettaient un sentiment d’appartenance à un groupe et une identité dominante. On vit dans des sociétés plus libres, mais faire face à cette liberté est paradoxalement très complexe », rapporte Stéphane Aurousseau.  

Crise écologique, dynamique économique difficile… Les incertitudes sur l’avenir viennent s’ajouter. De quoi faire perdre le nord. Les adolescents cherchent des parades pour garder le cap. La religion en est une. 

« Ici, l’expression de la religiosité n’est pas nécessairement corrélée à la conviction intime et personnelle », reprend le bénévole à la Ligue de l’Enseignement.

La génération du point de rupture

Derrière l’attachement aux croyances, il y a l’enjeu de la troisième génération. Celle dont les grands-parents ont émigré depuis le Maghreb dans les années 60 – 70. 

Pour les petits-enfants, les liens avec leurs origines sont souvent complexes. Ils ne se sont rendus que quelques fois au pays, et ne le connaissent que très peu. Là où leurs parents ont peut-être plus d’attaches, ils sont eux la génération de la rupture.

« Quasiment tous les liens avec le pays d’origine sont coupés. Et puis là-bas, ils sont vus comme des français tandis qu’en France, ils sont souvent renvoyés à cette image d’immigré », détaille Nicolas Boudeele.

Cette situation paradoxale complique beaucoup de choses à l’âge où l’on se découvre en tant qu’individu.

Ainsi, la religion et la langue s’imposent à ces jeunes comme les derniers remparts. Au travers des croyances et de leurs pratiques, on trouve souvent la recherche de connexion avec une partie de leur histoire. Comme une volonté de s’y replonger, et de s’affirmer.

C’est un moyen de répondre aux failles identitaires qu’ils peuvent rencontrer à travers leur construction intérieure. « Ils en viennent parfois même à être plus religieux que leurs parents », complète Nicolas Boudeele.

Mais ce schéma n’est pas nouveau, bien au contraire. C’est même commun dans ce genre de situation. En France, il s’est déjà observé lors des vagues d’immigrations polonaises et italiennes.

Une hégémonie pro-croyance

Chez les jeunes, c’est aussi le rapport à la laïcité qui change. On remarque beaucoup plus de tolérance concernant les signes de croyances des uns et des autres.

« Le port de signes religieux ostensibles par les élèves dans les lycées publics est soutenu par plus d’un lycéen sur deux (52 %), soit une proportion deux fois plus grande que dans la population adulte (25 %) », relève une étude IFOP réalisée en mars 2021.

Pour Stéphane Aurousseau, cela va même au-delà. « Les jeunes se trouvent maintenant dans une hégémonie pro-croyance », assure-t-il. 

Au début de chaque intervention sur la laïcité qu’il mène dans le cadre de la Ligue de l’Enseignement, il montre aux élèves des images clivantes et leur demande de se positionner pour ou contre. « Maintenant, celle qui fait l’unanimité dans le contre, c’est un tee-shirt avec l’écriture « Athée » », assure-t-il.

Certains y voient une menace de la laïcité, quand d’autres estiment qu’elle doit simplement évoluer.        

« Un peu plus des deux tiers des jeunes français (18 – 30 ans) pensent que la laïcité devrait évoluer en France. Parmi-eux, 35% souhaite plus de tolérance envers l’expression des identités religieuses, et 42% plus de fermeté », relevait ainsi l’institut Kantar. Il complète en expliquant que : « plus les jeunes sont inscrits dans la mondialisation, plus ils ont tendance à vouloir davantage de séparation entre les institutions publiques et les cultes ».

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